♠ This is THE END for You.

« Sur les pavés d’une rue étroite est étendue la frêle silhouette d’un adolescent à la peau tannée, semblant assoupie sous la pluie battante. L’eau plaque ses cheveux sales sur son visage émacié, faisant couler sur sa joue les restes du khôl qui avait cerné son regard ambré, des yeux à présent clos que tous n’avaient connu qu’emplis d’insolence.
Mais aucun sourire n’étire cette fois-ci les traits aussi juvéniles que creusés du funambule ; tout son être semblait apaisé, reposé. Une scène pour le moins étrange en cette aube pluvieuse.

Tout s’explique lorsque l’on s’engage dans la rue, que l’on s’approche du corps allongé en position fœtale, recroquevillé. Couvert de son antique manteau à la capuche ornée de fourrure plus décrépie que jamais, on distingue alors l’ombre d’un corbeau silencieux, immobile prêt de la tête de l’adolescent. Charognard par excellence l’oiseau laisse, étonnement, l’averse détremper son plumage d’ébène sans esquisser le moindre mouvement, sentinelle silencieuse.

Une odeur sinistre emplie la ruelle, de celles qui accompagnent toujours la mort sans que l’on ne puisse exactement dire pourquoi. Une impression, une sensation plutôt. Un froid étrange et venimeux qui se répand peu à peu dans la poitrine, un mélange de peur, de dégoût et de curiosité morbide qui saisit l’être humain.
En s’approchant encore, en distinguant le visage de l’adolescent, on devine à l’immobilité trop parfaite de son corps que toute vie l’a quitté. Puis apparaît le rouge, la fleur qui s’épanouie lentement sous sa tête. Chaque goutte d’eau semble vouloir effacer toute trace de sang à mesure qu’il s’écoule, comme pour noyer les preuves d’un crime sans explications.
Pas d’argent à voler, pas de butin à récupérer, pas même de gloire à en tirer. Une vengeance peut-être ?
Les autorités n’en parleront pas, elles ont déjà fort à faire avec l’Eventreur. Quelle importance qu’un gamin ait eu la gorge transpercée par un inconnu ?

A peine découvert le cadavre sera oublié, enterré sans une sépulture, comme tant d’autres. Un orphelin qui s’attirait les foudres de tant de gens avait joué son dernier tour, donné son dernier spectacle. Lorsque la pluie cessera, le croassement rauque d’un corbeau le saluera une dernière fois avant que l’oiseau ne s'envole dans le jour nouveau.
Affaire classée. »